Site Natura 2000, les pesticides sont enfin interdits !
Le Conseil d’Etat vient de donner un coup de pouce à la préservation de la biodiversité. Dans sa décision du lundi 15 novembre, la plus haute autorité administrative enjoint à l’Etat de se donner les moyens de protéger les sites Natura 2000 en y interdisant, restreignant ou au moins encadrant l’usage des pesticides. Le gouvernement a six mois pour s’exécuter et adopter des « mesures réglementaires » dans ces zones de protection de la faune et la flore sauvages. Il devra de surcroît répondre à France nature environnement (FNE), qui l’avait interpellé sur cette question en septembre 2019. La fédération se félicite donc de cette « nouvelle victoire », alors que la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, avait demandé le rejet de sa requête, suivie par ses homologues de l’agriculture, de l’économie et des finances et de la santé.
Sites Natura 2000 : la protection de la biodiversité avant tout
Le réseau Natura 2000 s’est progressivement constitué depuis trente ans. Il a pour objectif de protéger certaines espèces animales ou végétales, terrestres et aquatiques, représentatives de la biodiversité européenne, soit parce qu’elles en ont particulièrement besoin, soit parce qu’elles présentent un intérêt remarquable. Il vise aussi à sauvegarder leurs cadres de vie naturels. En France métropolitaine, ce dispositif couvre près de 13 % des terres, 11 % des eaux de la zone économique exclusive. Environ 15 % des espaces concernés correspondent à des superficies agricoles.
Pas de protection des insectes et de leurs prédateurs
Ce classement ne constitue certes pas un outil de protection forte, à l’image d’un cœur de parc national, mais il vise à mieux prendre en compte les enjeux de la protection de la nature dans les activités humaines. Aucune d’elles n’est interdite a priori, mais tout projet susceptible d’avoir une incidence sur ces espèces et sur leurs milieux de vie doit, en principe, être évalué dans le cadre des chartes et des contrats que cofinance l’Union européenne. L’Etat peut s’y opposer s’il porte atteinte aux objectifs de conservation du réseau Natura 2000.
Or, alors qu’entre 3 % et 4 % de la totalité des surfaces cultivées sont concernées par un de ces sites, rien ne permet d’y appliquer des règles spécifiques restreignant l’usage des pesticides. La France contrevient ainsi à plusieurs dispositions européennes, et notamment à la directive sur les habitats naturels de 1992, à l’origine du réseau Natura 2000, et à celle du 21 octobre 2009 qui vise à « parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ». Après avoir traîné les pieds, l’Etat a fini par transcrire ces textes. Le code rural et de la pêche maritime indique que « l’autorité administrative peut interdire ou encadrer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment (…) dans les zones protégées ». Seulement, l’autorité en question ne s’est pas dotée des mesures d’application qui lui permettraient de mettre en œuvre ce principe sur le terrain.
Résultat : dans les sites classés Natura 2000, rien ne protège les insectes et donc leurs prédateurs – amphibiens, oiseaux, chauves-souris – des insecticides, ni les milieux aquatiques des fongicides nocifs pour eux, ni les prairies des herbicides. Voilà ce dont FNE s’est aperçue. Le 16 septembre 2019, la fédération s’en est émue auprès du gouvernement, qui ne lui a pas répondu jusqu’à présent. A tort, selon le Conseil d’Etat, au moins s’agissant des sites terrestres. Lors de l’audience du 8 octobre 2021, le rapporteur public a rejoint les arguments de FNE à ce sujet. Sur les habitats marins en revanche, la haute autorité a considéré que l’Etat disposait d’un arsenal juridique suffisant pour s’assurer du « bon état écologique des eaux », y compris pour y faire respecter des niveaux de concentration en pesticides aux seuils légaux.
Levier d’action pour les associations
Sur les 1 755 sites Natura 2000 recensés par la base de données du ministère de la transition écologique, 371 sont officiellement signalés comme menacés par « l’utilisation de biocides, d’hormones et de produits chimiques ». « Dans ma région par exemple [le Languedoc-Roussillon], le seul espace identifié comme à problème est l’étang de Thau, où un herbier de posidonie est impacté par les cultures alentour, relate Olivier Gourbinot, juriste au sein du réseau FNE. En réalité, à l’échelle de la région, c’est la totalité du réseau européen qui est concerné par les épandages de la viticulture, l’arboriculture ou de la riziculture de Camargue. » Seuls 20 % des écosystèmes et 28 % des espèces du réseau Natura 2000 sont considérés en bon état de conservation, rapporte FNE.
Mais si le label européen est si peu protecteur, quelle est sa raison d’être ? « Il constitue un levier d’action pour les associations qui veulent attaquer tel projet d’urbanisme ou autre installation industrielle, avance-t-il. Il représente un effort [de protection] relativement faible, mais il a des effets forts sur la biodiversité. » La question est désormais de savoir comment le gouvernement va répondre à l’injonction des magistrats. Pour Olivier Gourbinot, les autorités publiques devraient saisir l’occasion pour encourager la conversion vers une agriculture moins destructrice pour les écosystèmes.
Source : Le monde et France Nature Environnement
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