Littoral français, quels enjeux de protection pour l’Homme ?

Dans Environnement, L'eau, Végétaux par le 25 février 2020Commentaires fermés sur Littoral français, quels enjeux de protection pour l’Homme ?
L’importance du Trait de côte pour la protection du littoral

Les zones humides rendent bien des services au monde vivant. Parmi leur myriade de bienfaits, ces territoires de rencontre entre l’eau et la terre ont de sérieux atouts face au dérèglement climatique. Cet article récapitule les axes forts du projet SOLTER (solidarités territoriales et stratégies pour la résilience du littoral à la submersion marine) dont l’objectif est d’étudier la faisabilité et l’acceptabilité des mesures d’adaptation à la montée du niveau de la mer. La loi relative à l’aménagement du littoral concerne plus de 1 200 communes riveraines de la mer, mais aussi de grands lacs, d’estuaires ou de deltas. Face à la pression urbaine, aux phénomènes d’érosion ou de submersion marine subis par ces territoires, elle tente de concilier préservation et développement du littoral. Explications…

L’importance du Trait de côte pour la protection du littoral français 

Le trait de côte est la frontière entre la terre et la mer et sa préservation est un enjeu crucial pour les populations qui y vivent. Cette limite a toujours été en perpétuel mouvement, en particulier sur les côtes basses sableuses. En 2010, on déplorait 29 morts et disparus dans le Var ; en 2014, 17 morts et disparus dans le Sud-Est de la France ; et enfin en 2015 on comptabilisait 21 nouvelles victimes dans les Alpes-Maritimes… Derrière ces chiffres, se cache des inondations d’une ampleur folle, meurtrière, dévastatrice dont la répétition consternante semble s’accélérer à mesure que le climat se réchauffe.

  • Les marées et les phénomènes météo (vents et houles, tempêtes, pression atmosphérique) entraînent des variations plus ou moins importantes du niveau marin, et donc, des déplacements de cette frontière ; 
  • Les apports et l’entraînement des sédiments par les courants littoraux conduisent la terre à gagner sur la mer (accrétion) ou l’inverse (érosion) ; 
  • Les variations du niveau de la mer liées à des changements climatiques globaux provoquent des modifications de plus grande amplitude à long terme.

Les causes du recul actuel du littoral méditerranéen sableux 

Littoral méditerranéen sableux
Quand la mer monte le domaine public suit et la propriété privée recule

Les sédiments transportés par les fleuves jusqu’à la mer sont répartis par les courants marins sur la côte. C’est le Rhône qui en France a le plus contribué à la formation du littoral méditerranéen sableux. Sur ce littoral on constate aujourd’hui une tendance générale à l’érosion, donc un recul du trait de côte, liée principalement à un déficit d’apport sédimentaire. Ses causes sont l’extraction de sédiments du lit des rivières, l’endiguement des cours d’eau qui limite la mobilisation de nouveaux sédiments et surtout l’aménagement de nombreux barrages qui les retiennent.

Les limites des lidos artificialisés ! 

La caractéristique de la côte du Golfe du Lion est la présence fréquente d’un lido, constitué d’une étroite bande sableuse (plage + cordon dunaire) séparant un système de lagunes et de zones humides, plus ou moins saumâtres, de la mer. Cet ensemble d’écosystèmes (plages, cordons dunaires, lagunes et zones humides) constitue une barrière de protection naturelle efficace et gratuite. Dans son état naturel, un lido est susceptible d’une grande mobilité et il est donc particulièrement résilient. Face à la montée du niveau de la mer, plages et dunes peuvent tout simplement reculer, naturellement, la position du trait de côte correspondant à un nouvel équilibre. Par contre, lorsque le lido est entravé dans son fonctionnement naturel, du fait des aménagements humains, ce recul n’est pas possible. Sa résilience est très réduite et les plages sont amenées à disparaître plus rapidement. 

phénomène d'errosion du littoral
Processus naturel du phénomène d’érosion accentué ces dernières années

Sur le littoral méditerranéen sableux, l’installation de l’Homme au plus près de l’eau a été rendue possible par des marées de faible amplitude. Le développement touristique et industriel des années 60, porté par l’Etat (Mission Racine), a modifié radicalement le paysage côtier : construction de plusieurs stations balnéaires, aménagements portuaires et industriels. Aujourd’hui, des aménagements de ce type se poursuivent en dépit du bon sens ! Sur un littoral artificialisé, la montée du niveau de la mer va amplifier le risque de submersion marine, des pans entiers de l’économie régionale – et plus particulièrement l’industrie touristique – seront alors impactés. Il est donc urgent d’aménager ces espaces et de restructurer rapidement les activités économiques liés au littoral.

La montée du niveau de la mer va transformer radicalement le littoral 

Le GIEC prévoit dans son dernier rapport sur les Océans et la cryosphère une élévation du niveau marin mondial en 2100 de +48 cm pour le scénario le plus optimiste, à +84 cm pour le scénario le plus pessimiste, qui est pour l’instant celui qui, rapport après rapport, se vérifie. Pour la Méditerranée, les modèles sont moins précis mais le MedECC envisage une élévation du même ordre. Concrètement la Camargue et les lagunes proches seraient balayées par les vagues d’ici la fin du siècle. Il est aujourd’hui certain que cela va entraîner une modification radicale du littoral méditerranéen sableux et que les villes, les activités et les voies de communication seront fortement impactées. L’érosion côtière actuelle, l’augmentation de la fréquence des événements extrêmes, ne sont qu’un pâle avant-goût de l’avenir !

Lorsque la mer gagne sur la terre, le domaine public de l’État incorpore les propriétés riveraines de la mer. Le propriétaire privé riverain ne pourra prétendre à une indemnisation QUE si cette incorporation au domaine public est la conséquence de l’absence d’entretien d’ouvrages de protection construits par la puissance publique, ou de leur destruction, ou de la construction de tels ouvrages

lire le rapport SOLTER

L’illusion de la fixation du trait de côte

Pour lutter contre le recul du trait de côte, les pouvoirs publics ont historiquement aménagé des ouvrages de défense contre la mer « en dur » : 

  • Ouvrages longitudinaux de haut de plage (murs, enrochement) afin de protéger les secteurs urbanisés des tempêtes ; 
  • Ouvrages installés en mer sur l’avant plage (brise lames, épis transversaux) censés favoriser le dépôt de sable et limiter ainsi l’érosion des plages. 

Mais il est généralement constaté que les ouvrages « en dur » perturbent le transit sédimentaire, déplacent le phénomène d’érosion. Ils doivent donc être strictement limités. Des techniques moins dures sont également mises en œuvre comme les rechargements de plages, ou la mise en place d’atténuateurs de houle (boudins géotextiles), mais elles sont très coûteuses et pas en faveur d’un développement durable.

Les techniques douces ou « solutions basées sur la nature » sont à privilégier, comme la protection et l’aide à la fixation des dunes avec des ganivelles (clôtures de piquets de bois), qui favorisent la revégétalisation naturelle. Quoi qu’il en soit, dans le contexte de déficit sédimentaire et de montée de la mer, la logique de protection ne peut être que transitoire. L’idée d’un trait de côte fixe doit être abandonnée et la priorité doit désormais aller vers la recomposition spatiale.

lire le rapport FNE (source principal de cet article)

Quelles stratégies pour la gestion du trait de côte ?

L’État s’est doté de stratégies nationale et régionale de gestion intégrée du trait de côte. Celles-ci préconisent l’application des différents modes de gestion (suivi et surveillance, gestion souple, gestion dure, recomposition spatiale) selon les secteurs littoraux sur lesquels ils sont envisagés (naturels, à enjeux diffus, urbanisés) : dans les espaces naturels et les espaces à enjeux diffus la stratégie régionale exclut notamment « les ouvrages de défense contre la mer en dur ». Ces derniers ne peuvent être aménagés que dans les espaces urbanisés. C’est notamment dans le respect de ces stratégies que l’État décide d’apporter ou non son soutien financier aux opérations de gestion du trait de côte souhaitées par les collectivités territoriales.

Comment libérer le lido de ses contraintes actuelles ?

La recomposition spatiale consiste à déplacer – dans la mesure du possible – les enjeux vulnérables à la montée du niveau de la mer afin de les mettre à l’abri des risques qu’ils encourent. Il s’agit d’une opération de long terme qui implique une anticipation suffisante et dont la réussite dépend de nombreux facteurs complexes : capacité à estimer les risques futurs, financement des acquisitions foncières ou indemnisations, acceptabilité sociale, évolution du cadre juridique…

La recomposition spatiale appelle une véritable remise en cause des politiques mises en œuvre sur le littoral, qui à l’inverse de la mission Racine, doit désartificialiser et renaturer le littoral. En complément des stratégies de solidarité à mettre en place pour relocaliser habitat et activités en arrière du littoral, la meilleure et la moins chère des solutions de défense contre la mer reste quoi qu’il arrive un lido naturel constitué de marais, de dunes vivantes et de plages. L’objectif est de permettre à ces écosystèmes de jouer leur rôle de zone tampon contre les aléas littoraux, en stoppant l’artificialisation du littoral qui entrave leur évolution naturelle. Lorsque ces écosystèmes sont dégradés, il convient de les restaurer par des opérations de génie écologique afin que ceux-ci puissent à nouveau jouer leur rôle et se maintenir dans le contexte du changement climatique.
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