Peut-on sauver la pêche artisanale en France ?

Dans Déplacements par le 4 décembre 20132 Commentaires

Augmentations récurrentes du coût des carburants, marché du poisson très concurrentiel, quotas contraignants, compétition mondialisée, sécurité alimentaire… la pêche française s’affiche comme un secteur économique en repli, devant faire face à de multiples difficultés. La Commission européenne vient de proposer l’interdiction du chalutage profond, une méthode de pêche décrite par les chercheurs comme « la plus destructrice de l’histoire ». C’est dans ce contexte tendu que nous avons interviewé Monsieur J. Bigot (Président de France Pêche Durable & Responsable) au sujet du  projet Fish2Eco-Energy. Ce chalut test pourrait bien changer l’image de la pêche en France tout en redonnant une bouffée d’oxygène aux pêcheurs. Après une première phase de tests, une deuxième étape vient d’être franchie ! Explications, interview…

Présentation du projet « Fish2Eco-Energy »

Les enjeux du projet « Fish2Eco-Energy »

Fish2Eco-Energy est un chalut test, équipé d’un  moteur hybride qui a pour vocation d’impulser les évolutions technologiques indispensables pour préserver un métier artisanal, tout en développant une pêche rentable & économe en énergie, limitant ses rejets atmosphériques et maîtrisant son empreinte sur le milieu naturel (fonds marins et ressources halieutiques).

La mission de notre association est, non seulement d’insuffler un nouveau souffle à la pêche française, mais aussi de se démarquer d’une attitude “victimaire” dont souffre souvent les marins explique Jacques BIGOT– Président de France Pêche Durable & Responsable.

La problématique des coûts en essence des bateaux de pêche

En France la flotte des navires de pêche (environ 7000 bateaux seulement) est vieillissante et a atteint ses limites, tant écologiques qu’économiques car elle est toujours à ce jour constituée de navires propulsés par de gros moteurs diesel.


Avec un moteur traditionnel, un chalutier consomme en moyenne 11 tonnes de gas-oil par semaine, ce qui représente 7 000 à 9 000 euros, soit 40 à 45% du chiffre d’affaires des marins. Pour pouvoir survivre, la charge au niveau du carburant ne devrait pas dépasser à 20 – 25% du CA.
Par conséquent, les armateurs ne peuvent pas dégager leur capacité d’autofinancement nécessaire au renouvellement des chalutiers et ne peuvent s’en remettre qu’à des innovations de portée restreinte : bateaux allégés, formes des chaluts optimisés, logiciels embarqués, conduite maîtrisée, …

Il faut que l’activité de pêche artisanale redevienne rentable. Les coûts de fonctionnement en essence sont trop élevés

précise Jacques BIGOT.

Objectifs, réduire les coûts d’exploitation, mais pas que…

Pour baisser les charges d’exploitation des bateaux de pêche liées à la motorisation c’est l’hybridation de la propulsion qui est testée. L’installation de moteurs électriques avec production énergétique par un mélange gaz naturel-hydrogène. Il s’agit d’une expérimentation pragmatique de combustibles alternatifs au pétrole, par paliers successifs d’hybridation, du diesel au gaz naturel, vers l’hydrogène.
Les économies réalisées sont de l’ordre de 35 à 40% sur le coût du carburant et 80% sur les émissions de CO2.

En réduisant nos rejets en CO2 de 80% on pourrait bien réussir à changer l’image des pêcheurs, nous indique Jacques BIGOT. Encore faudrait-il que les français ne mélangent pas pêche artisanal et chalutage industriel en eau profonde !

Les différentes phases de test

Phase 1 transformation de la propulsion du navire (septembre 2012 – avril 2013).

Cette étape a conduit à installer un système de propulsion dite « hybride » : un moteur électrique qui remplace le moteur diesel pour propulser le navire. L’électricité nécessaire au fonctionnement du moteur électrique est produite par un groupe électrogène, fonctionnant, lui, au gasoil.
L’expérimentation en mer, qui a commencé en avril 2012, s’effectue en condition réelle d’exploitation en Manche et en Mer du Nord via le chalutier démonstrateur « La Frégate ». Premier chalutier de France à être équipé d’une motorisation hybride, il jette les bases de l’optimisation énergétique des bateaux de demain en imputant une baisse des charges d’exploitation pour les pêcheurs liées à la motorisation.

Au départ de ce projet de rupture, la communauté des pêcheurs se montrait sceptique, notamment par rapport au remplacement du moteur thermique par un moteur électrique, puis hybride. Cependant, nous avons vite compris l’intérêt vital de pérenniser, ensemble, la pêche artisanale qui subit de plus en plus de pressions économiques, commente Thierry Leprêtre – Patron du bateau démonstrateur “La Frégate3” support du projet de Fish2Eco-Energy.

Phase 2 : Lancement des essais d’alimentation en gaz naturel : une première en France

Deuxième étape franchie pour ce projet soutenu par l’Europe pour une pêche économe et durable, avec l’installation programmée d’une station de compression de gaz naturel sur les quais du port de Boulogne sur mer début 2014, en partenariat avec GRDF.

  • A partir de janvier 2014 : les travaux consisteront à installer dix bonbonnes de gaz à bord de la Frégate, afin de stocker le gaz naturel (pression de 200 bars). Ces dernières pourront contenir environ 580 m3 de gaz naturel, soit un équivalent de 500 litres de gasoil. En alimentation bi-fuel (50% gaz – 50% gazole), l’économie horaire supplémentaire est estimée à 10€, soit plus de 1 000€ pour 5 jours de mer.
    Le gaz naturel sera ensuite décompressé, puis injecté dans le groupe électrogène à hauteur de 50%, en complément du gasoil, ce qui représentera pour le navire une autonomie en gaz naturel d’environ 12h.

Ce projet démonstratif, réalisé sur un navire existant, permettra dès le début 2015, d’étendre l’utilisation de ce type de carburant sur d’autres navires. Il sera ainsi possible d’évaluer précisément la fiabilité de la technologie, les espérances de rentabilité du système de carburation au gaz naturel, mais aussi pourra permettre à faire évoluer la réglementation liée à ce type de navires.

Les soutiens au projet Fish2Eco-Energy

Comités Régionaux des Pêches Maritimes de Bretagne, le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, la Région Nord-pas de Calais, le Conseil général du Pas-de-Calais, le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), l’Ifremer… Il y en a beaucoup d’autres, saluons donc l’initiative de France Pêche Durable & Responsable via son président Monsieur Bigot que nous remercions pour son interview.

Merci à :
Jacques BIGOT, président de France Pêche Durable & Responsable
www.francepechedurable.eu

Pour aller plus loin, découvrez notre dernière actu sur le sujet de la pêche, notamment les méfaits du chalutage en eau profonde. Une pétition adressée au Président de la République française recueille déjà plus de 700.000 signatures pour la fin de ce type de pêche industrielle. Vous pouvez aussi voir ces nouvelles photos d’actrices françaises nues pour dire non au chalutage profond

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